La gestion mentale est un courant pédagogique qui explore, décrit et étudie les processus de la pensée consciente lors
d'une prise d'information, de son traitement et de sa restitution.
- Antoine Payen de La Garanderie (1920 - 2010) est un pédagogue français, Docteur en philosophie, fondateur des théories de la
Gestion Mentale. Il a cherché à comprendre les raisons de la réussite des élèves brillants pour aider les
élèves en difficulté.
Il interrogeait des personnes en situation d'apprentissage pour découvrir quels moyens cognitifs (images mentales
visuelles, auditives ou encore verbales) elles utilisaient pour accomplir des tâches.
- Antoine de La Garanderie a identifié et répertorié la "grande diversité des fonctionnements cognitifs", à partir
de l'analyse des habitudes mentales de très nombreux sujets.
Cette étude a mis en évidence le rôle
fondamental de l'évocation comme outil de la pensée.
Carl ROGERS est un pédagogue américain qui influença la psychologie humaniste, "Liberté pour apprendre" Dunod. 1972.
- Rogers ne parle pas d’enseignants mais de facilitateurs d’apprentissage.
"Lorsque le facilitateur se trouve être une personne vraie, qui est authentiquement
elle-même, et qui entre en relation sans masque ni façade avec celui qui apprend, il y a beaucoup de chances que son
action soit efficace".
- Carl Rogers l’appelle aussi acceptation ou confiance.
- C’est une confiance de base : la foi dans l’autre qui est
fondamentalement digne de confiance.
- Chaque apprenant doit se sentir capable de faire des choses par lui-même en sachant qu’il a le droit d’avoir ses propres
sentiments et besoins.
- "Si un professeur s’assigne la tâche d’essayer de donner chaque jour à chaque étudiant ne fût-ce qu’une réponse non évaluative,
acceptante, empathique à des sentiments exprimés verbalement ou autrement, je suis convaincu qu’il découvrira l’efficacité
que recèle cette compréhension qu’on ne rencontre pourtant presque jamais."
- Cette empathie s’exprime par des messages verbaux et non verbaux (signe de tête, sourire, main sur l’épaule, accolade...),
une écoute active.
- Rogers a compris que dans toute relation humaine, il faut tout faire pour instaurer un dialogue de liberté :
"On n’enseigne pas, on renseigne".
- Ce qui est essentiel c’est le sens personnel, libre, que toute personne peut tirer d’un renseignement.
- "Respecter la liberté de l’interlocuteur en le mettant en situation de responsabilité exige une formation qui concerne le
savoir-être plus que le savoir faire".
- Basée sur l’éducation de la liberté, Antoine de la Garanderie, résume dans son livre "Apprendre sans peur" les 5 voies d’actes
à la prise de conscience de la liberté.
- Aucun être humain ne maitrise totalement sa vie.
- Le pédagogue de la liberté se doit de maintenir présent dans sa conscience cette vérité première :
On n’est pas plus à l’aise
avec soi qu’autrui ne l’est avec lui-même.
- Le pédagogue de la liberté doit se tester constamment afin de s’obliger à dire ce qu’il pense, ce qu’il croit, ce qu’il veut
être et à agir en conséquence. C’est la référence à soi qui lui permet de confronter tout ce qu’il estime le concerner.
- C’est le respect de l’authenticité d’autrui. Le pédagogue de la liberté estime que toute personne a le droit d’avoir ses
propres sentiments et expériences et d’y mettre ses propres significations.
- Il reconnaît l’affirmation de son interlocuteur sans la moindre interprétation. Lui seul est maitre du sens qu’il donne à
son propos.
- Elle consiste à comprendre ce que ressent son interlocuteur, à faire sien ses sentiments, ses émotions, ses passions,
à partager ce qu’il vit affectivement.
- La sympathie c’est avec l’autre ; l’empathie c’est en l’autre.
- C'est permettre à l’interlocuteur de saisir le sens de la relation qu’il entend vivre avec lui, caractérisé par les
quatre premiers principes.
"La qualité de cette relation déjoue la peur : peur de ses difficultés, de sa capacité à être soi-même, d’être aliéné par
autrui. Il convient de promouvoir la situation relationnelle qui soit celle de l’expression des libertés de l’interlocuteur".
Certains disent (ou pensent) : | On peut aussi dire (et penser) : |
---|---|
- Fais attention à ce que je te dis !!! | - Ecoute pour réentendre, ou te redire, ou te faire des images dans ta tête. |
- Réfléchis un peu ! | - Prends le temps de faire revenir dans ta tête ce que tu connais sur le sujet. |
- Tu n’as rien compris ! | - Qu’as-tu compris ? Essaie de décrire les images ou te dire les mots que tu as dans ta tête. |
- Tu dis n’importe quoi ! | - Qu’est-ce qui dans ta tête t’a fait donner cette réponse ? |
- Ne me dis pas que tu as appris cette leçon ! | - As-tu pensé à t’imaginer en train de te resservir de ce que tu as appris ? |
- Tu es idiot si tu n’as pas compris une explication aussi claire !!! | - De quoi aurais-tu besoin pour comprendre ? |
- Tu n’as qu’à... - Il suffit que tu... - Y a qu’à faire comme ça... - ...c’est pourtant simple ! | - Je fais comme ceci. Qui fait autrement et pourrait donner des idées. |
- C’est évident ! - Je ne comprends pas ce que tu ne comprends pas !! | - Voilà ce que j’ai dans la tête... et toi ? |
- Tout le monde fait toujours comme ça ! | - J’ai l’habitude de faire comme ça. |
- Il est doué en... | - Il est entrainé à... |
- Il n’est pas doué ! | - Il ne sait pas exploiter ses possibilités. |
- Il a de la bonne volonté, mais il est un peu limité. | - Il pourrait travailler plus efficacement. |
- On ne tirera jamais rien de lui... | - Il ne sait probablement pas comment sa tête fonctionne. |
- Avant de se lancer dans son travail du soir, prendre le temps de se repasser le film ou la bande son de la journée de cours,
c’est-à dire prendre le temps de revoir, de réentendre dans sa tête, les différents cours de la journée de classe, et ceci
avant même d’ouvrir un livre ou un cahier.
Ainsi, dans sa tête, l’apprenant doit se poser par exemple les questions suivantes :
par quoi a-t-on commencé ce matin ? Quel était le titre, le sujet du cours ? De quoi a-ton parlé ? Qu’est-ce que j’ai écrit
sur mon cahier ? Qu’est-ce que le prof a écrit au tableau ? Qu’a-t-il dit ? Qu’est-ce qui s’est passé durant ce cours ?
Qu’est-ce que je dois retenir ? Quel était le cours suivant ?
- Il faut se donner les conditions de réussite de cette réactivation du vécu :
Etre dans un endroit bien à soi, où l’on se sent bien et, surtout, où personne ne nous dérangera.
Le corps doit être dans une position de repos confortable.
Fermer les yeux ou fixer un point fixe.
Attention, ce temps de relecture du vécu scolaire ne doit pas dépasser 5 minutes. Il n’est pas demandé de revoir, redire
les détails des différents cours, mais seulement les grandes lignes générales.
- C’est seulement après ce temps de réactivation que les livres ou les cahiers seront ouverts pour retrouver les éléments
manquants du "film" ou de la "bande sonore de la journée".
On trouvera dans les principes exposés ci-après sur la gestion mentale d’autres conseils et une meilleure compréhension des
particularités individuelles.
Les 3 temps de l'apprentissage
Percevoir et évoquer
- Voir
- Ecouter
- Sentir
- Gouter
- Toucher
- Ressentir
- Agir
"La perception est l’expression psychique de la modification organique provoquée par la modification d’un agent
extérieur sur des terminaisons nerveuses".
Palette évocative de A. Geninet
L’évocation est centrifuge, elle vient du dedans, se redire, rajouter à l’intérieur de sa tête.
- Re-Voir
- Re-Entendre
- Re-Trouver des sensations :
- Gustatives
- Olfactives
- Tactiles
- Physiques
L’image mentale est la représentation d’une information perçue quelle que soit son origine sensorielle.
– 1. L’habitude évocative a pour origine la réflexion spontanée.
- 2. La réflexion spontanée est le retour que la conscience opère sur une perception pour en évoquer une espèce d’image.
- 3. Cette réflexion spontanée finit par devenir machinale ; l’habitude évocative est dès lors constituée.
- 4. Tout individu humain pratique la réflexion spontanée et est habité par des habitudes évocatives.
- 5. Il existe deux grandes espèces d’habitudes évocatives : les visuelles et les auditives.
- 6. Les habitudes évocatives se prolongent dans des activités verbo-motrices et scripto-motrices.
- 7. L’individu humain est porté à contracter ou des habitudes évocatives visuelles, ou des habitudes évocatives auditives et
ce, naturellement.
- 8. Certains individus humains parviennent à utiliser ces deux espèces d’habitudes.
- 9. Il y a un lien intrinsèque entre la forme de l’habitude évocative pratiquée et les adaptations et inadaptations scolaires.
- 10 Il y a un lien intrinsèque entre le contenu de la mémoire, les aptitudes de l’intelligence et la forme de l’habitude
évocative pratiquée.
- 11 L’habitude évocative non pratiquée peut être acquise pour peu qu’on le veuille et qu’on sache comment s’y prendre.
- 12 Un champ semble bien s’ouvrir au pédagogue.
- de façon extérieure à l’image -> visuelle
- avec sa personne dans l’image -> auto-visuelle.
Les évocations visuelles sont structurées dans l’espace, globales, appréhendent un tout, elles sont synthétiques...
Les personnes utilisant ce type d’évocations sont plus proches d’une méthode inductive -> de l’exemple à la règle.
Les enfants dysphasiques sont de grands visuels, comme beaucoup d'enfants dyslexiques.
- la voix : -> famille auditive directe.
- sa voix personnelle avec ses propres mots -> famille auto-auditive (verbale)
Les évocations auditives sont structurées dans le temps, linéaires.
Elles appréhendent les éléments successivement.
Le raisonnement y est déductif avec une très forte logique.
Les gestes mentaux
"Le projet est une structure de sens que je me donne avant et pendant que je perçois.
Elle est l’anticipation du traitement mental de l’information et s’adapte à la forme des différents gestes mentaux".
1) Projet de faire exister mentalement le perçu
-> Geste d’Attention
2) Projet de faire exister dans un imaginaire d’avenir
-> Geste de Mémorisation
3) Projet de confronter des objets perçus à des objets évoqués
-> Geste de Compréhension
4) Projet de faire retour en évocation sur ses acquis culturels
-> Geste de Réflexion
5) Projet de percevoir le monde pour en dégager des aspects inédits
-> Geste d’Imagination
- L’attention est un geste générique.
Sans ce geste, il n’y a pas de travail mental adapté.
Le projet de faire exister mentalement le perçu est la condition impérative que l’on doit avoir face à l’objet d’attention. (ad tendere : prendre en soi).
- Pour être attentif, il faut être en projet de donner un sens mental à la chose perçue par des mots et/ou des images.
"Le cadre de la mémoire, c’est l’imagination de l’avenir. On ne dispose du passé qu’autant qu’on prend soin de l’inscrire
dans l’avenir.
- Pour mémoriser, donner un sens d’avenir est indispensable.
L’anticipation par l’imagination est un facteur pédagogique de la mémorisation.
- Le geste mental qui décrit l’imaginaire de l’avenir est d’abord une relation d’ouverture à cet et à ces avenirs. Nous
disons avec force que la mémoire a essentiellement besoin de cette ouverture à ces avenirs pour enregistrer des connaissances.
- Il reste bien entendu, à réaliser l’effort pour que ce qui est à acquérir le soit et qu’on contrôle la qualité par des
récitations anticipées..."
Antoine de la Garanderie. "Les profils pédagogiques" p36.
-La mémoire est une donnée supplémentaire de l’attention.
Pour mémoriser, il faut anticiper le projet de réutilisation, de transmission, ce n’est pas lié à la motivation.
Dans le geste de mémorisation, il y a l’idée de garder cette information pour la transmettre.
- Le geste de mémorisation est également lié à la confiance.
Il est important d’évoquer les situations qui bloquent.
La courbe indique que la mémorisation s'accroit peu de temps après la fin de la période d'apprentissage, puis fait une chute rapide (80% des détails sont oubliés dans les 24 heures qui suivent)
Evolution de la mémoire en fonction du temps
Mémoriser : C’est mettre quelque chose dans sa tête à sa façon, pour pouvoir le redire, le récrire, le redessiner,
le refaire, le réutiliser plus tard, dans certaines conditions.
Les activités de réactivation, intervenant à des moments convenablement programmés, peuvent maintenir la mémorisation à un niveau élevé. Tony Buzan
- L’absence de projet de réutilisation.
- Projet d’utilisation trop vague, peu convaincant, peu convaincu.
- Projet non authentique, différent des structures profondes.
- Projet négatif : anticipation de l’échec.
- Projet d’exploitation étriqué -> à l’identique.
- Evocation ayant subi des transformations, non fidèles.
- Evocation de certains éléments, exclusion des autres.
- L’enfant n’est pas toujours prêt à donner l’effort que suscite la mémorisation.
-> lui donner confiance en lui, à l’adulte.
-> reconnaître l’enfant dans les efforts, dans le plaisir.
Derrière le geste de compréhension se trouve le projet de confronter des objets perçus à des objets évoqués.
COMPOSANT | OPPOSANT |
---|---|
Il comprend par similitude, par comparaison. | Il comprend par différence. Les contre-exemples lui viennent. |
Il se méfie des opposants, qu’il trouve destructeurs et systématiquement négatifs. | Il se méfie des composants car il a l’impression que ceux-ci essaient de "l’avoir", il met en doute leur honnêteté. |
Il apprécie une pédagogie de l’entre-aide. Il communique et aime que l’on communique les conseils pour que tous puissent en tirer parti, il est généreux sur ce plan. Mais il entend être payé de retour. | Il apprécie une pédagogie de la concurrence. Il désire protéger son originalité, sauver sa propre différence qu’il fera émerger en se confrontant aux autres. |
Il possède une étonnante perspicacité pour déceler ses propres manques et les qualités des autres. C’est l’inquiétude qui l’habite qui lui procure cette acuité. | Il découvre ses richesses dans les manques des autres, ceux-ci libèrent ses intuitions : sa plénitude c’est le vide d’autrui. |
Il pense que son « être » lui vient des autres et que ce qui est en lui est destiné aux autres. | C’est dans le non-être d’autrui qu’il puise son être. |
Il manque d’esprit critique. Il ne sait pas exploiter les défaillances des autres, ce n’est pas un être de compétition. | Il possède un bon esprit critique, il sait exploiter les faiblesses des autres. |
Il peut, par contre, être un recordman, c’est-à-dire vaincre son propre score. | Il est content de se battre, il est même motivé pour cela. Il est animé d’un désir de vaincre. C’est un être de compétition. |
Il adopte des modèles. Il est capable de découragement car il est assez perfectionniste. | Il n’aime pas les modèles. Il n’est pas perfectionniste. |
Le geste de réflexion s'inscrit dans le projet de faire retour en évocation sur ses acquis culturels.
- L’ouverture du projet de réflexion est liée au désir de communiquer.
- On se donne des images mentales de la question posée. Elles doivent être suffisamment précises pour pouvoir convoquer
dans notre tête, toutes nos évocations. A partir de là, nous effectuons un tri pour donner une forme qui permet de
résoudre le problème posé.
- Réfléchir est donc la mise en communication de l’évoqué du problème et des évoqués de tout ce qui peut concourir à
trouver la solution avec la mise en évocation et les allers-retours dans notre tête...
- La réflexion s’appuie sur un contenu et réfléchir demande une disponibilité mentale.
La réussite dans le domaine de la réflexion nécessite d’avoir des projets.
Elle dépend :
- de la mobilité mentale
- des prises d’indices
- de la précipitation ou de la maitrise
- des affects
- de ce qu’on a mis dans sa mémoire
- de la souplesse pour les transferts.
- Souvent, en situation scolaire, les enfants ne s’autorisent pas à aller chercher leurs informations stockées en
bibliothèque mentale.
Egalement, les enfants ne sont pas habitués à aller chercher ce qu’ils ont dans leur tête.
Cette confrontation est indispensable et permanente.
- La bibliothèque mentale peut être insuffisante ou les mots stockés sans sens.
- L’enfant peut refuser les lois, les règles, ce qui est contraignant.
- L’enfant trop transformateur risque de s’éloigner.
- L’enfant ne tient pas compte de tout, parfois la phrase prime au détriment de la consigne.
- L’enfant trop spatial ne peut pas ordonner tout dans sa tête.
- L’auditivo-verbal ne sait pas spatialiser son temps.
- L’enfant peut être ‘hypnotisé’ et n’arrive pas à traduire, il s’accroche à une piste inefficace.
- "L’imagination est une activité mentale qui suppose une visée de sens.
En cela l'imagination se différencie de la rêverie vagabonde."
- Cette visée de sens, ce projet, consiste à percevoir le monde en vue non d'une reproduction mais d’une transformation inattendue
:
C’est rechercher l’imprévu, le prolongement ou la modification d’une image mentale pouvant aller jusqu’à la découverte
ou l’invention.
C’est ce projet d’accueil de l’inattendu, de l’inédit, du non-conforme qui est motivant mentalement pour
celui qui le met en œuvre, parce que les choses prennent sens pour lui à partir de ce projet.
Il dit volontiers qu’il ne peut
pas s’empêcher de modifier, d’ajouter, de prolonger, de transformer, d’introduire de la nouveauté."
Information issue de Gisèle Séguier "Imagination et apprentissage" lettre 77 mars 1997.